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Troisième axe : prévenir et entraver les trafics proliférants

Patrouille en mer des Caraïbes
© D’Arcangues Jean-François

Le régime de non-prolifération est essentiel, et il convient de le conforter, mais beaucoup réside dans la volonté des États de le mettre en œuvre, d’en sanctionner les violations et de faire cesser la prolifération. Ainsi, la France :

  adapte son cadre législatif afin de rendre réellement contraignantes les mesures déterminées dans le régime de non-prolifération

  participe aux différentes initiatives informelles qui permettent d’entraver de manière concrète les flux proliférants

  soutient les initiatives et la stratégie développée par l’Union Européenne pour lutter contre la prolifération

Renforcement du dispositif législatif et réglementaire de la France

Au niveau interne, en plus des contrôles stricts aux exportations, la France a renforcé son dispositif juridique national de lutte contre la prolifération des armes de destruction massive (ADM) et de leurs vecteurs par l’adoption de la loi du 14 mars 2011. Cette loi renforce le spectre des infractions (incrimine le fait de provoquer, d’encourager, ou d’inciter quiconque, de quelque manière que ce soit, à commettre des actes associés à des activités proliférantes) et introduit dans le Code des douanes des dispositions relatives aux biens à double usage.

Cette loi érige également en infraction le financement de la prolifération, ce qui fait de la France l’un des premiers Etats à posséder une telle législation. Elle prohibe le « fait de procurer un financement participant d’une logique proliférante, en fournissant, réunissant ou gérant des fonds, des valeurs ou des biens quelconques ou en donnant des conseils à cette fin » (articles L. 1333-13-5 du Code de la défense pour les matières nucléaires, article L. 2341-2 pour les agents biologiques et articles L. 2342-3 et L. 2342-60 pour les armes chimiques).

La France a également renforcé son dispositif juridique via la ratification en mai 2018 de la Convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime (Convention on the Suppression of Unlawful Acts at Sea, 2005). La convention SUA transpose en droit international de nouvelles infractions pertinentes pour la lutte contre la prolifération, notamment les transports d’« explosifs ou de matières radioactives […], de toute arme nucléaire, bactériologique ou chimique, […] de matières brutes ou produits fissiles » lorsque ces derniers interviennent dans un cadre contraire au TNP. La convention SUA renforce le cadre permettant arraisonnement et l’inspection en haute mer de navires suspectés de transports de biens proliférants.

Le soutien et la participation aux initiatives internationales informelles

**Les coopérations techniques et policières de lutte contre la prolifération

La France participe et soutient plusieurs initiatives de lutte contre la prolifération, notamment l’initiative de sécurité contre la prolifération (PSI), l’initiative globale de lutte contre le terrorisme nucléaire (GICNT) et le partenariat mondial du G7 contre la prolifération des armes de destruction massive (PMG7).

L’initiative de sécurité contre la prolifération (PSI) est une enceinte informelle de coopération rassemblant 105 pays et qui vise à renforcer la coopération internationale afin d’intercepter les transports illicites d’armes de destruction massive, de leurs vecteurs et des matériels connexes. Elle vise à renforcer la coopération opérationnelle entre les États participants et repose sur l’organisation régulière d’exercices pratiques en vue de renforcer les capacités des Etats participants en matière d’interception de cargaisons proliférantes. Son fonctionnement est flexible puisqu’il suffit de souscrire à la déclaration de principes de 2003 pour y participer. La France met en œuvre la PSI via le Plan gouvernemental Interception Prolifération (PIP) qui établit le cadre d’intervention national permettant de répondre aux trafics de biens ou de technologies liés à la prolifération d’armes de destruction massive. Pour en savoir plus sur l’article dédié ou sur le site web de la PSI (en anglais)

L’Initiative globale de lutte contre le terrorisme nucléaire (GICNT), lancée en 2006, encadre la coopération technique entre 89 Etats participants et 5 institutions observatrices (UE, AIEA, Interpol, UNODC, UNICRI) afin de prévenir, détecter et répondre au terrorisme nucléaire. Dans ce cadre, des activités multilatérales sont réalisées afin de renforcer les différentes procédures, plans et politiques publiques des Etats participants. Tous les participants s’engagent à mettre en œuvre la déclaration des principes du GICNT, qui détermine un ensemble d’objectifs de sécurité. Pour en savoir plus

Le partenariat mondial du G7 (PMG7) contre la prolifération des armes de destruction massives, lancé en 2002, finance et coordonne des projets pour sécuriser les matières essentielles à la conception d’ADM. Ce partenariat mondial est régi selon les principes de Kananaskis de 2002 et les principes développés lors du Sommet de Muskoka en 2010. L’initiative a originellement été lancée pour assister les pays de l’ex-URSS à démanteler et détruire les arsenaux non-conventionnels, ainsi que sécuriser les matières fissiles et réaffecter les chercheurs dédiés aux programmes nucléaires militaires. Elle a été étendue à 31 pays et à l’ensemble de l’Union européenne. Sa mission consiste principalement à contribuer à la mise en œuvre de la résolution 1540 du Conseil de Sécurité, pour lutter l’acquisition d’ADM par des acteurs non-étatiques, et prolongée lors du sommet de Deauville en 2011. Pour en savoir plus

Enfin, la France mène un dialogue régulier avec ses différents partenaires afin de les sensibiliser aux enjeux de la non-prolifération et du désarmement nucléaire, et les encourager à renforcer leurs dispositifs nationaux de contrôle et de lutte contre la prolifération.

**La coopération et la lutte commune contre le financement de la prolifération

Le financement est l’un des ressorts indispensables de toute entreprise de prolifération. L’indispensable acquisition de matières et biens rares et à haute valeur ajoutée technologique, par l’intermédiaire de filières d’acquisition détournées, rend ces programmes très onéreux.

Les résolutions du Conseil de sécurité relatives au financement de la prolifération ciblent notamment le financement de cette activité. En particulier, la Résolution 1540 (2004) impose aux Etats d’interdire et de réprimer tout financement d’activités permettant à des acteurs non-étatiques de fabriquer, se procurer, mettre au point, posséder, transporter, transférer ou utiliser des armes NRBC ou leurs vecteurs.

**L’action du GAFI

Organisme intergouvernemental créé en 1989 sous l’impulsion du G7, le Groupe d’action financière (GAFI) est composé de 39 membres et 1 observateur. Il s’est imposé comme l’organisme de création et de contrôle des normes internationalement reconnues en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.

Une réflexion au niveau international s’est mise en place pour créer les outils nécessaires pour identifier et empêcher les opérations de financement liées à la prolifération, en s’inspirant notamment des mécanismes mis en place en matière de lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme.

Session plénière du GAFI, Février 2012. Crédits : GAFI

Ces travaux se sont déroulés au sein du GAFI (Groupe d’Action financière). La mission du GAFI est d’élaborer des normes et de promouvoir l’application de mesures législatives, réglementaires et opérationnelles pour lutter contre le financement du terrorisme, le blanchiment de capitaux. Son mandat a été étendu par les Ministres en avril 2008 à la lutte contre le financement de la prolifération. Il s’agissait d’amener les États à créer, dans leur droit interne, une incrimination de financement de la prolifération et les moyens juridiques permettant de geler les avoirs des personnes impliquées.

Après de premiers débats, le GAFI a orienté ses travaux en février 2011 sur la création de sanctions financières ciblées sur les personnes et entités en infraction vis-à-vis des résolutions du Conseil de sécurité prises sur le fondement du Chapitre VII et visant la prolifération NRBC. Il en a résulté une modification des « Normes internationales sur la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et de la prolifération – Recommandations du GAFI » 1 pour y insérer une Recommandation 7 (2012) par laquelle les États se sont engagés à :
 Mettre en œuvre des sanctions financières ciblées contre les personnes et entités en infractions vis-à-vis des Résolutions du CSNU adoptées sur la base du Chapitre VII ;
 Empêcher ces personnes de lever, transférer et utiliser des fonds liés à cette activité ;
S’échanger l’information pertinente pour renforcer les mesures nationales.

La mise en œuvre de cette Recommandation 7 a été appuyée par l’adoption, par le GAFI :
 D’une Méthodologie d’évaluation des opérations financières (février 2013), qui détaille les mesures permettant de mettre en œuvre la Recommandation 7. Elle érige, en outre, en objectif politique de haut niveau les sanctions contre les personnes et entités impliquées dans le financement d’activités contraires aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.
 D’un « Guide sur la mise en œuvre des dispositions financières des Résolutions du Conseil de sécurité visant à contrer la prolifération des armes de destruction massive » (juin 2013). Ce document détaille des mesures que les États devraient adopter afin de mettre en œuvre les dispositions financières des résolutions pertinentes.

La France a activement appuyé l’inclusion du financement de la prolifération dans l’ordre du jour du GAFI en 2008. Par la suite, elle a participé à l’élaboration d’un rapport du GAFI présentant des recommandations pour l’adoption de mesures en matière de lutte contre le financement de la prolifération.

C’est sur ce fondement que le GAFI a progressivement élaboré des recommandations et guides présentés. La session plénière du GAFI qui s’est tenue à Paris du 18 au 23 février 2018 a permis l’adoption de lignes directrices relatives à la lutte contre le financement de la prolifération. Elles rappellent que les Etats sont tenus de disposer, dans leur droit interne, d’une incrimination de financement de la prolifération et les moyens juridiques permettant de geler les avoirs des personnes impliquées.

Les lignes directrices émettent également des recommandations particulières à l’attention des acteurs du secteur privé afin d’accroître leur vigilance vis-à-vis des risques liés au financement de la prolifération (rappel des dispositions contenues dans les résolutions des Nations unies ; mise à disposition de typologies de contournement des sanctions, etc.). Elles recommandent enfin aux autorités la mise en place de mécanismes de coordination nationale et de procédures de contrôle pour contrer le financement de la prolifération.

L’action de la France dans le cadre de l’Union européenne

Toujours en vigueur, la stratégie d’action de l’Union européenne contre la prolifération des ADM a été adoptée par le Conseil en 2003 puis actualisée en 2008 (en anglais), sous la présidence française de l’UE. Elle affirme l’engagement de l’UE à lutter activement contre la prolifération ainsi que les différents axes d’action. Cette stratégie guide les actions concrètes de l’UE dans la lutte contre la prolifération. Elle fait l’objet de rapports, anciennement semestriels et désormais annuels, détaillant l’ensemble des actions lancées par l’UE, leur état d’avancement ainsi que leur accomplissement.

L’UE mène dans ce cadre des différentes actions pour lutter contre la prolifération :

  Par la coordination des positions des Etats membres face aux différentes crises de prolifération, afin de promouvoir une action européenne résolue pour la définition des régimes de non-prolifération, dans les différentes enceintes ;

  Par le soutien à l’action des organisations internationales et institutions engagées dans la lutte contre la prolifération. En 2018, 20 millions d’euros ont été alloués spécifiquement à la lutte contre la prolifération ;

  A travers différentes initiatives dédiées à la lutte contre la prolifération des ADM, notamment l’expertise indépendante sur la non-prolifération, l’assistance technique aux Etats, ou le soutien au contrôle des exportations de biens sensibles ;

  Par l’intégration de clauses obligatoires de non-prolifération aux accords de partenariat stratégique ;

L’UE, en réponse aux crises de prolifération les plus graves, dispose des instruments lui permettant d’adopter de manière autonome des mesures coercitives contre les Etats en cas de violation de leurs obligations internationales, au titre de la non-prolifération.

Les Etats membres se réunissent mensuellement au sein du groupe « Non-prolifération » (CONOP) pour coordonner l’action et le dialogue de l’UE dans le domaine de la non-prolifération avec les pays tiers ainsi que les organisations internationales.

Par ailleurs, l’Union Européenne renforce le cadre juridique des Etats membres concernant la prolifération. Ainsi, à travers le règlement n°428/2009 instituant un régime communautaire de contrôle des exportations sur les biens à double usage, les recommandations des différents régimes de contrôle sont directement applicables dans le droit des Etats membres.

La France a promu dans le cadre de l’UE une meilleure prise en compte du financement de la prolifération par l’Union européenne, dans le cadre notamment des Nouveaux axes d’action contre la prolifération (2008) (en anglais). Ce document appelle ainsi à renforcer la sensibilisation des acteurs financiers et bancaires, améliorer la coopération entre les administrations des Etats membres et ces acteurs, appuyer l’application des sanctions financières (notamment celles issues des résolutions des Nations Unies) et soutenir les travaux au sein du GAFI.

L’UE a notamment joué un rôle essentiel dans la négociation, la conclusion et la mise en œuvre de l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien du 14 juillet 2015 (JCPoA). Elle coordonne notamment la Commission conjointe, instance de discussion sur la mise en œuvre de l’accord réunissant toutes les parties.

Pour en savoir plus sur l’UE et la non-prolifération

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